Mielec, journée 3: Spiewac !

Ce matin, ce n'est pas sans appréhension que nous avons poussé la porte de notre nouvelle immersion : la predszkole, autrement dit, l'école maternelle. Nous étions un petit peu anxieuses à l'idée de nous retrouver entourées d'enfants de moins de 6 ans surexcités et ne parlant pas notre langue, quelle heureuse découverte ça a été que d'entrer dans cette première classe de 23 enfants de 5 à 6 ans. Encadrés par une institutrice et par une ATSEM, ils étaient certes très intimidés de nous voir arriver, mais dans le même temps très enthousiastes. Nous avons vite découvert que la musique servait de guide et donnait le tempo, et que si l'institutrice voulait calmer les enfants, elle passait par la musique et par les chants. Nous avons aussi vite vu que toutes les activités de la matinée se déroulaient autour d'un seul et même thème: le pingouin. L'enseignante a commencé par leur lire une histoire e pingouins, les a interrogés sur leur compréhension, leur a montré des étiquettes avec les noms des différents protagonistes, et dans un élan de méthode globale, les enfants se sont empressés de déchiffrer ces mots. Par la suite, elle a créé des rondes en marchant à la façon de pingouin, des jeux au cours desquels les enfants devaient se précipiter sur des pseudos banquises dès lors qu'elle sortait une lettre et que c'était l'initiale de leur prénom, et elle leur a aussi donné différentes informations sur le pingouin, son habitat, son mode de vie, son alimentation. Enfin, le temps de classe auquel nous avons assisté se terminait sur des travaux pratiques: à partir d'une empreinte de main, dessiner et représenter une famille pingouin sur la banquise. Nous sommes passés de table en table, avons observé les enfants, les avons encouragés, et nous sommes parfois senties bien démunies face à leurs questions toujours empressées, toujours rapides, et toujours en polonais! À l'inverse, quelle surprise de les voir se précipiter vers nous pour quémander des câlins dès lors que nous avons fait mine de quitter la classe! Un grand moment, donc, qui ne faisait que préfigurer les suivants: nous sommes passées de classe en classe, des 6 ans aux 4 ans, des 4 ans aux 3 ans, et avons toujours été accueillies avec la même chaleur. Nous nous sommes mêlées aux rondes, aux chants, avons tenté de communiquer avec ces enfants et avons pris le temps de nous informer du déroulement d'une journée classique pour eux.

Accrochez-vous, la plupart de ces petits bouts arrivent le matin à partir de 6h. Leur présence de 6h à 8h n'est pas obligatoire, mais s'ils veulent assister à la journée d'enseignement, ils doivent être présents à 8h pour le petit-déjeuner. Deux institutrices se relaient auprès d'eux: une qui travaille de 6h à 11h, une qui travaille de 11h à 16h. Ce sont toujours les deux mêmes institutrices qui se succèdent dans la classe, et elles échangent de semaine en semaine. Les enfants mangent vers 11h30, et les tout petits de 3 ans font la sieste ensuite dans la classe. Mais ce n'est pas là la seule surprise: chaque classe a ses propres toilettes pour les enfants, et dans ces sanitaires attitrés, se trouvent aussi des bavoirs et des brosses à dents. Par ailleurs, il n'y a pas de réfectoire: les enfants mangent dans leur classe! Enfin, autre spécificité liée cette fois-ci à l'école: les instituteurs ont choisi de suivre les enfants durant toutes leurs années de maternelle. Ainsi, l'institutrice de grande section que nous avons vue suit ses élèves depuis déjà 4 ans. Elle nous a expliqué que c'était de ce fait bien plus simple d'instaurer des règles et des habitudes de vie d'année en année.

Une fois que nous avons quitté ces classes et ces petits bouts, nous nous sommes entretenues avec la directrice de l'école maternelle, qui nous a montré deux autres spécificités du système éducatif polonais: nous avons commencé par faire la rencontre de l'orthophoniste. Installée au sein de l'école, elle prend en charge les enfants dès la maternelle, et en suit environ 80 sur les 180 que compte l'école. Un suivi très précoce qu'elle trouve nécessaire pour corriger dès la toute petite enfance les défauts liés à la prononciation ou au déchiffrage. La seconde grande découverte a été la salle de thérapie: réservée aux élèves à besoins éducatifs particuliers, elle leur permet de s'isoler, parfois une à deux fois par jour, parfois plus, pour décompresser. Elle est essentiellement utilisée cette année pour deux élèves souffrant du syndrome d'Asperger, et pour un troisième qui est autiste. Chaleureuse, colorée, elle leur permet de se recentrer sur eux-mêmes au moyen de différentes activités manuelles ou virtuelles.

Après cette matinée riche en couleurs, en chants et en émotions, nous avons regagné le collège d'Agnieszka pour y découvrir ce qui pour nous est un lieu de vie incontournable, mais qui l'est différemment pour eux: la bibliothèque. Là-bas, pas de fauteuil moelleux, pas d'ordinateur ou presque, pas de livres attrayants et à portée de main. Des rangées de tables, des chaises un peu austères. Il n'empêche que les élèves y viennent régulièrement, et peuvent choisir d'y manger leurs sandwichs à 12h30 pendant la récréation. Pour le reste, il faut être un peu motivé pour aller chercher un livre dans les rayonnages, mais les documentalistes se montrent serviables et disponibles. Certains livres d'ailleurs sont sous clé! Sans la présence d'un référent, aucun accès. Mais nous avons bénéficié de passe-droit, et avons eu le droit de feuilleter l'anthologie de la littérature polonaise afin d'y trouver un chapitre sur la littérature française. La documentaliste n'était pas peu fière de notre trouvaille ! 

Lorsque nous avons retrouvé Agnieszka, ça a été pour assister à un autre moment incongru: au milieu du couloir, très large rappelez-vous, avaient été installées des rangées de chaises et tous les élèves étudiant la géographie y étaient rassemblés afin d'écouter un voyageur raconter son périple au Japon. Certes, nous n'avons pas tout compris de ce qu'il racontait en polonais, mais grâce aux photos, et aux réactions des élèves, nous avons compris que derrière ce récit de voyage se cachait plutôt une présentation de la société japonaise. Ca semblait captivant, et nous sommes restées à observer  ces élèves assis, attentifs, réactifs, jamais perturbateurs, et ce sans pour autant nécessiter de surveillance accrue. L'habitude, peut-être, de ce genre de manifestations, ou plus simplement une forme de maturité liée à l'âge : ils étaient tous lycéens.

Ensuite, nous avons eu l'opportunité de nous entretenir avec la psychologue de l'établissement. Elle n'est finalement pas si différente de notre psy-EN : en effet, elle est chargée de l'orientation, mais depuis un an, au vu des difficultés grandissante chez les adolescents, elle a aussi pour rôle de s'entretenir avec les élèves des difficultés qu'il pouvait rencontrer. Comme elle le dit elle-même, elle est leur première interlocutrice avant d'être contrainte au vu de certaines situations de diriger certains d'entre eux vers l'assistante sociale. Responsable avec les deux pédagogues de l'inclusion scolaire, elle suit les élèves de la primaire au lycée, avec des problématiques différentes selon les âges: conflit dans la famille en primaire, rapport à son image au collège, question d'avenir au lycée. Pour rentrer en contact avec les élèves lors de leur première visite, elle passe souvent par le jeu. Ça lui permet de les évaluer et de les mettre en confiance. Comme elle le reconnaît elle-même, en théorie, les élèves ne devraient venir la voir qu'une fois par an. Mais beaucoup reviennent, dès qu'ils en ressentent le besoin, et c'est une forme de reconnaissance qui lui est chère. Quant à nous, nous avons apprécié ses fauteuils cosy qui incitent à la confidence!

Pour finir la journée, nous avons assisté à 2h de cours dispensés par Agnieszka. Mais nous serions bien en mal de vous dire quoi que ce soit en espagnol ( langue qu'elle enseigne) dans la mesure où les deux heures ont été consacrées à des questionnements de la part de ses élèves, et au visionnage du film récapitulatif de l'an dernier et du film de l'Euro 2016 réalisé à Douchy, à la demande de certains élèves de l'école du sport présents pendant ces heures et curieux de savoir comment la France avait vécu l'Euro 2016 de l'intérieur ! 

La journée avait déjà été bien chargée, mais ce n'était pas fini pour autant. En effet, hier, Monsieur le Maire nous avait conviées à un concert d'un orchestre philharmonique, et nous avions promis de nous y rendre. N'avons pas été déçues du spectacle, bien au contraire. L'horaire nous a semblé quelques peu sélectif, dans la mesure où le concert débutait à 17h, un mardi. Autant vous dire qu'en dehors de quelques enfants, la moyenne d'âge était relativement élevée. Mais nous avons passé un moment extrêmement agréable, et lors de l'entracte, nous avons eu l'occasion de remercier de vive voix Monsieur le Maire, et de lui remettre la lettre que le Maire de Douchy lui avez adressée. Le timing était parfait, puisque Agnieszka qui était présente a pu la lui traduire bien plus aisément que nous n'aurions pu le faire (rappelons que Monsieur le Maire ne parle que polonais !)... 

Demain, c'est une visite privilégiée de la ville de Mielec qui nous attend. Promis, on vous racontera tout !